JÉRÔME TRUYENS : « NOUS AVONS TOUJOURS NOTRE DESTIN ENTRE LES MAINS »

Le capitaine des Red Lions était plutôt serein au moment de rencontrer la presse au lendemain de la défaite douloureuse face à l’Australie. Le Bruxellois n’a esquivé aucune question et a il répondu avec sa franchise habituelle aux critiques adressées par les journalistes et les supporters suite à la prestation belge en demi-teinte de la veille.

Jérôme, comment dort-on après une défaite comme celle-ci ?
« On essaie avant tout de s’endormir car on refait deux ou trois fois le match dans sa tête. On tente de découvrir ce qui n’a pas fonctionné et pourquoi l’agressivité n’a pas été au rendez-vous pour arracher au moins un point. Hier soir, nous avons débriéfé la rencontre avec toute l’équipe. Et aujourd’hui, nous allons essayer de passer à autre chose. Nous allons certainement revoir certaines vidéos pour améliorer les aspects qui n’ont pas fonctionné. Mais nous allons surtout nous reconcentrer au plus vite sur le prochain match. »

C’était l’un des moins bons matchs de l’équipe belge depuis un petit temps non ?
«  Il faut tout de même rappeler que nous affrontions l’Australie. Il s’agit d’une équipe difficile à manœuvrer et contre qui il est trop compliqué de faire le jeu. C’est pour cela que nous étions peut-être un peu plus mitigé que la presse dans l’analyse d’après-match. Nous avons eu des occasions même si la construction était parfois hasardeuse. Ce n’était certainement pas notre meilleur match mais malgré tout, nous avons eu les occasions pour arracher un nul et, pourquoi pas, nous imposer dans le meilleur des cas. Mais c’est vrai que l’efficacité n’était pas au rendez-vous et que nous avons pris plusieurs fois de mauvaises décisions sur le terrain. C’est un ensemble de choses qui ne nous a pas aidé à produire notre meilleur jeu. »

Truyens
© FIH

L’entame de match a une nouvelle fois été catastrophique comme face à l’Inde et à la Malaisie.
« Tu as parfaitement raison. C’était d’ailleurs l’un des points essentiels de notre débriefing. Nous avons éprouvé beaucoup de difficultés à entamer correctement les échanges. Les cinq à dix premières minutes ont, chaque fois, été laborieuses même si nous nous créons également à chaque fois les premières occasions dangereuses. Est-ce qu’il s’agit d’une confiance excessive ? C’est difficile à dire. En tous cas, face à l’Australie, nous encaissons deux buts parce que nous ne sommes pas suffisamment concentrés. Mais nous avons identifié certains points qui devraient nous aider à ce que cela ne se reproduise plus. C’est un problème que nous n’avons pas rencontré ni à Glasgow, ni à Düsseldorf lors des tournois préparatoires pour cette compétition. C’est une caractéristique de ces trois premières rencontres mais qui n’est pas encrée dans notre manière de jouer. C’est donc quelque chose que nous pouvons changer. »  

Ce n’est donc pas un excès de confiance ? Certains disent, depuis plusieurs mois, que les Red Lions sont beaucoup trop sûrs d’eux.
«  Non, je ne pense pas. Je connais bien ce groupe. Il n’y a aucun joueur qui a développé un ego surdimensionné et qui prend les matchs par dessus la jambe. Nous essayons de rester les pieds sur terre en se remettant constamment en question. Et c’était encore le cas hier soir lors de notre réunion ou chacun a fait son mea-culpa sur les points qui le concernait. C’est juste que nous jouions contre l’Australie et que la moindre erreur se paie cash. »

Il y avait aussi un manque de hargne, de tranchant dans les duels.
« L’intention était pourtant bien présente dans le groupe avant le match. Mais il existe encore une grande différence entre le dire et le faire. Nous aurions dû encore monter un peu plus en pression lors de l’échauffement. Nous serions alors montés réellement avec le couteau entre les dents sur le terrain dès le coup d’envoi. Et nous n’aurions peut-être pas encaissé ces deux buts. »

C’est aussi la première fois qu’on sentait le milieu de terrain belge aussi fébrile. Que ce soit toi, John John Dohmen ou Felix Denayer… Vous étiez littéralement étouffés ?
«  Ce qui fait notre force habituellement, c’est que nous gagnons beaucoup de balles dans le milieu de terrain. Et cela n’a pas été le cas face à l’Australie. D’un point de vue défensif, nous ne sommes pas parvenus à museler leurs milieux tandis qu’offensivement les balles ne sont pas beaucoup passées par nous. Nous n’avons pas eu la possibilité de nous mettre en évidence. Et cela devenait donc compliqué pour la sortie de défense. Nous avons joué beaucoup par les côtés et avec des balles hautes. Nous en avons certainement abusé. Mais il faut toutefois reconnaître qu’il possède le meilleur entrejeu du mode. Nous avons eu beaucoup de difficultés à les manœuvrer. C’était certainement notre moins bon match à ce niveau dans le tournoi. »

Red Lions
© Philippe Demaret – Okey.be

Un autre élément qui a pesé lourd dans la balancé, c’est le 0/6 sur p.c. Cela fait très mal à ce niveau là.
«  Exactement. Nous avons peut-être eu trop tendance à privilégier les différentes phases et adapter nos p.c. à la sortie adverse. A l’avenir, nous ferons certainement un peu plus confiance à nos sleepers qui sont de classe internationale. Ils peuvent marquer des buts et nous relancer dans le match. Nous avons effectué de mauvais choix. »

Et ces p.c. étaient également non cadrés.
« Oui, c’est clair. Mais quand on observe leur p.c. défensif, on constate qu’ils sortent très bien et que le premier sorteur met énormément de pression sur notre sleeper.  Pourtant, lors des journées de repos, nous travaillons beaucoup sur cet aspect. Est-ce que c’est l‘attitude sur le terrain ou l’environnement qui fait qu’ils ne cadrent pas ? C’est à eux de répondre à cette question. Mais je pense surtout qu’il faut leur faire un petit peu plus confiance et qu’ils cadreront ces balles lors des prochains matchs. »

Dernier point que l’on souligne pourtant déjà plusieurs mois, c’est le manque d’efficacité en zone de conclusion. Les pénétrations dans le cercle et les tirs sont nombreux mais les attaquants ne marquent pas.
«  Il faut tout de même relativiser un peu toutes ces statistiques. Au cours de ces dernières années, nous sommes arrivés à un stade où nous nous créons énormément d’occasions en match. Mais on ne peut pas marquer quatre buts à chaque fois même si c’est nécessaire quand on en encaisse trois. Nous possédons des attaquants extrêmement talentueux. C’est certainement la meilleure génération que nous n’ayons jamais eue depuis que j’évolue chez les Red Lions. Mais ce sont des joueurs qui ont besoin de se mettre en confiance en touchant beaucoup la balle. On doit surtout leur donner de bonnes balles pour qu’ils soient efficaces. »

Quand on met tout cela à plat, cela fait beaucoup de points à améliorer. Le constat peut sembler impitoyable. Pourtant, la Belgique affrontait l’une des meilleures nations du monde. Les observateurs sont-ils trop sévères avec cette équipe ?
«  C’est certainement dû aux précédents que nous avons créés. Nous avons prouvé que nous pouvions les battre et tout le monde attend beaucoup de ce groupe. Face à l’Australie, nous n’avons évolué qu’à 70% de nos capacités même si nous avons obtenu beaucoup d’opportunités. Mais si nous avions été un peu plus réalistes, nous aurions peut-être arraché le nul. Alors je ne sais pas si vous êtes trop exigeant avec nous. Nous le sommes également envers nous-mêmes. Même si on ne le crie pas toujours haut et fort. Nous sommes conscients de nos capacités. Nous étions réellement motivés pour gagner mais toute l’équipe a évolué au-dessous de son niveau habituel. Si cela n’avait été le cas qu’avec un ou deux joueurs, ce serait peut-être passé inaperçu. C’est donc une bonne chose que cela se soit produit face à l’Australie. Cela aurait été bien plus embêtant face à l’Espagne ou l’Angleterre. »

Il faut donc regarder vers l’avant. Ces deux prochains matchs, on savait déjà, avant le début du tournoi, qu’il faudrait les gagner.
« Nous sommes effectivement dans la situation dans laquelle nous allions vraisemblablement nous retrouver après les trois premiers matchs. Nous savons que les deux prochaines rencontres seront cruciales. Tout devrait se décider face à l’Angleterre si on remporte notre duel face à l’Espagne. Et nous nous retrouvons dans une situation, habituelle pour l’équipe, à savoir avec l’obligation de gagner le dernier match pour se qualifier pour le prochain tour du tournoi. Nous avons toujours notre destin entre les mains et c’est l’essentiel. »

L’Espagne n’aura plus rien à perdre samedi midi ?
«  Je pense qu’ils continueront à jouer le coup jusqu’à la dernière rencontre. Dans une Coupe du monde, aucune équipe ne laisse filer un match. L’Espagne joue en privilégiant les individualités. Ils jouent vers l’avant et ils manquent un peu de structure et de contrôle défensif. Ce sont des caractéristiques dont nous pourrons profiter. Si nous défendons en équipe et que nous parvenons à être efficaces en gérant parfaitement nos contre-attaques, nous pourrons nous imposer. Mais ce ne sera certainement pas un match aisé car ils possèdent de bons joueurs et de bonnes individualités. De plus, un match de Coupe du monde n’est jamais facile à gagner, il ne faut jamais l’oublier… »

Entretien : Laurent Toussaint (à La Haye)

Jérôme Truyens
© Philippe Demaret – Okey.be

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