Le second souffle des sportifs de haut niveau

Vivre de sa passion. Ce rêve, les athlètes de haut niveau y ont droit durant une bonne partie de leur jeunesse. Mais à l’heure de la retraite sportive débute alors une seconde vie professionnelle, bien plus ordinaire. Si elle est souvent indispensable financièrement, cette transition reste un tournant important de leur vie, qui n’est pas toujours simple à gérer. Pour les épauler dans cette démarche, il existe néanmoins des solutions, dont une apportée par le COIB lui-même.

En collaboration avec la société The Adecco Group, le Comité olympique belge a mis en place « l’Athlete Career Programme », un projet lancé en 2011 en Belgique et dont l’objectif est d’accompagner les sportifs en quête d’un nouveau départ. Workshops, conseils pour rédiger correctement un CV et une lettre de motivation, suivi des entretiens d’embauche sont ainsi quelques exemples des aides mises en place pour accompagner ces futurs travailleurs, qui, souvent, sont moins bien armés que les autres. « Durant des années, ils ont été guidés dans toutes leurs démarches et ne se préoccupaient de rien ou presque en dehors de leur sport. Une fois leur carrière terminée, ils sont alors parfois démunis », explique Iris Ulenaers, la responsable du programme.

Les difficultés ne s’arrêtent pas là. S’ils sont de plus en plus à anticiper leur avenir en effectuant des études, leur arrivée tardive sur le marché de l’emploi est forcément un handicap. « Ils mettent fin à leur carrière de haut niveau souvent vers 30-35 ans. Si un athlète termine des études d’informatique à 24 ans, lorsqu’il commence à chercher un emploi dix ans plus tard, son diplôme ne vaut plus rien ou presque » , explique Iris Ulenaers. Pour éviter ce genre d’impasse, les athlètes sont suivis avant la fin de leur carrière sportive et invités à continuer à se former et effectuer des stages. Un jeu d’équilibriste, mais certains parviennent même à trouver un emploi compatible avec la pratique de leur carrière sportive. « C’est loin d’être facile. Il faut savoir jongler avec les entraînements, les compétitions et les moments de repos. Pour les accueillir, on cherche donc des entreprises très souples, avec des dirigeants qui comprennent le sport », explique la responsable d’Athlete Career Progamme.

Chaque année, une cinquantaine d’athlètes suivent le programme, issus de toutes les disciplines, ou presque. « Hormis les joueurs de foot et peut-être ceux de tennis au top niveau, ils devront tous un jour travailler. On pourrait donc en suivre bien plus », continue la responsable, elle-même ancienne athlète de haut niveau en tennis. Néanmoins, en quelques années, elle a pu voir les mentalités changer, concernant la gestion d’après-carrière. « Les jeunes y font beaucoup attention. Les coachs sont également plus ouverts. C’est positif car avoir leur soutien est essentiel », continue la manager en charge du programme. Si elle intervient souvent alors que le sportif n’a pas encore mis fin à ses exploits, elle ne considère pas que son travail pourrait affecter ses chances de briller.

« Notre objectif n’est certainement pas de précipiter la fin d’une carrière, au contraire même. Lorsque l’on parvient à trouver un emploi compatible avec l’agenda d’un athlète, cela peut lui permettre de s’assurer un revenu et donc, prolonger sa carrière », explique Iris Ulenaers, qui sait de quoi elle parle. Il y a quelques années, elle fut 8 e meilleure joueuse belge mais dut mettre fin à sa carrière plus rapidement que prévu. « Ce n’était plus possible financièrement. Pourtant, si j’avais eu accès à un tel programme pour m’aider à mieux gérer mon temps et trouver un travail à côté, j’aurais probablement pu continuer encore quelques années », explique l’ex-athlète.

Parmi les sportifs qu’elle suit, Iris Ulenaers compte plusieurs hockeyeurs, dont Jeremy Gucassoff, l’un des gardiens de l’équipe nationale, qui était notamment de l’aventure aux jeux de Rio. S’il est encore actif dans son sport, il s’investit déjà depuis plusieurs années dans sa reconversion. Diplômé en marketing, il a ainsi effectué deux stages, lorsque son agenda d’hockeyeur lui permettait. « Ce n’est pas évident avec notre programme. Mais on a un peu plus de temps juste après des grandes compétitions, où les entraînements sont moins nombreux. J’en profite donc à ce moment-là », explique le gardien actuellement en Inde pour disputer la World League. Malgré sa formation, continuer à enrichir son CV est indispensable pour lui. « Quand j’aurai une trentaine d’années, je ne souhaite pas me retrouver en concurrence avec des jeunes de 23 ans qui sortiront tout juste des études », explique Jeremy Gucassoff.

À tout juste 29 ans, la retraite sportive n’a pas encore sonné. Mais lorsque celle-ci arrivera, le Red Lion l’abordera avec davantage de sérénité. « Ce programme est un premier outil sécurisant. Et puis, cela permet aussi de se poser moins de questions, ce qui est d’ailleurs bénéfique pour ma carrière sportive. Lors de matchs très importants, cela ne me trotte pas dans la tête », conclut le gardien international. Probablement une bonne nouvelle pour le sport belge, quand on sait l’importance du mental dans une compétition sportive.

 Les atouts de l’athlète

« Les athlètes de haut niveau ne sont pas des travailleurs tout à fait comme les autres et sont d’ailleurs probablement plus difficiles à intégrer sur le marché que les autres, lance Iris Ulenaers, la responsable de l’Athlete Career Programme. Puis ce n’est pas forcément simple de se retrouver du jour au lendemain seul dans cette nouvelle vie. Néanmoins, avoir brillé dans un sport permet aussi de développer certaines facultés intéressantes pour une entreprise. » Organisation, bonne gestion du stress, discipline sont autant de qualité que peuvent souvent indiquer les athlètes sur leur curriculum vitae. « Ils ont aussi beaucoup de discipline puisqu’ils étaient à l’écoute de leur coach durant toute leur carrière. Ils sont aussi forcément dynamiques et peuvent mettre en avant leur goût de l’effort », ajoute encore la responsable du programme.

La communication est aussi souvent un atout que développent les athlètes, comme l’explique Jeremy Gucassoff, le gardien de hockey. « Avec l’équipe nationale, c’est un point que nous avons tellement développé que c’est devenu naturel chez nous. Mais lors d’un de mes stages, je suis tombé de ma chaise en voyant le manque de communication qu’il peut exister dans une entreprise. J’ai vu aussi des travailleurs complètement perdus en cas d’imprévu, ce que je trouvais plutôt surprenant. »

Mais à côté de ces différents atouts, les entreprises peuvent aussi se pencher sur les profils d’ex-athlètes pour la visibilité et l’image qu’ils pourraient leur apporter. « Ça reste néanmoins assez rare et ce n’est pas du tout ce qu’on cherche. On souhaite trouver des solutions qui correspondent avant tout à leurs compétences. Néanmoins, si le projet est intéressant et séduit un athlète, pourquoi pas », ajoute Iris Ulenaers qui a vu en seulement quelques années l’image des ex-athlètes changer dans le monde du travail. « Auparavant, leur intégration se passait de manière assez classique. Sur la base de leurs compétences, on cherchait un poste qui pourrait leur convenir. Mais désormais, la démarche est parfois inverse. Certaines entreprises regardent les compétences de l’athlète puis réfléchissent à comment les exploiter de la meilleure des façons au sein de la société. Des postes sont alors parfois spécialement élaborés pour eux », conclut la responsable.

Arnaud Martin, In Référence, Le Soir, samedi 9 décembre 2017.

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