Vincent Vanasch : « J’ai compris que je n’étais pas invincible »

2020 s’annonçait comme un grand cru. Mais les éléments se sont déchainés et le Bruxellois a vécu l’une des années les plus délicates de sa carrière même s’il n’a pas été épargné par les coups du sort dans le passé. Frappé par le coronavirus, il a toutefois perçu cela comme un signe du destin.

Rien n’a finalement tourné comme attendu durant ces 12 derniers mois pour le triple meilleur gardien du monde (2017, 2018 et 2019). Tous les éléments semblaient pourtant alignés pour vivre une année riche en défis et en émotions mais le réalité a été toute autre. Le Bruxellois (33 ans) souhaitait d’abord effectuer des adieux en grandes pompes au Waterloo Ducks en fêtant, si possible, un nouveau titre avec le club brabançon. Il avait ensuite comme seule et unique ambition avec les Red Lions de remporter l’or olympique à Tokyo durant l’été avant de réussir, rapidement, à faire l’unanimité sous les couleurs du Rot-Weiss Cologne, où il évoluera normalement jusqu’aux Jeux de Paris. Mais avec la pandémie mondiale, tout a basculé en mars dernier. La compétition en division d’honneur a été arrêtée. Les JO ont été reportés. En septembre, Vincent Vanasch s’est blessé à l’ischio l’empêchant de débuter le championnat allemand avant de se retrouver affaibli comme jamais par le coronavirus ! Mais le plus célèbre numéro 21 du Royaume a rebondi. Vite. Sa volonté et son caractère en acier trempé lui ont permis de retrouver ses meilleures sensations à force de travail, de plaisir et surtout de nouvelles ambitions.

Vincent, les Red Lions espéraient conquérir l’or olympique durant l’été. Mais la situation sanitaire mondiale a tout remis en cause…
« Tout a basculé alors que le début d’année était extrêmement prometteur après un très bon premier tour de Pro League. Mais le coronavirus a fait son apparition en mars et il a fallu composer avec l’apparition de la maladie. Tout a été chamboulé. Et nous avons dû reporter d’un an l’ensemble de nos objectifs. Le point de mire, c’était juillet 2020. Nous façonnions notre corps depuis des mois pour aborder cette échéance dans les meilleurs conditions. C’est un rendez-vous que nous attendions depuis 2 ans. »

Qu’est-ce qui a été le plus compliqué à gérer ?
« Il a fallu accepter puis digérer la décision. En tant que sportif, nous étions la tête dans le guidon. Puis l’échéance a disparu soudainement en nous laissant aves des dizaines d’interrogations. Il a ensuite fallu gérer le lockdown comme l’ensemble des Belges. A partir de ce moment-là, j’ai décidé de me focaliser à 100% sur ma famille et plus sur le sport. La saison s’est achevée en un coup alors que je vivais mes derniers mois au Waterloo Ducks. Cela a été très difficile à accepter. Mais, avec les Red Lions, nous sommes parvenus à réagir et à nous relever devant cet obstacle. Au final, cette situation nous a restructuré et même regénéré. Quand nous avons repris les entraînements au cours de l’été, j’étais au top de ma forme. Mes sensations étaient exceptionnelles voire inconnues jusqu’alors. »

Tu n’as donc jamais ressenti le moindre coup de mou ?
« Non, je n’ai jamais été déprimé. Tout était limpide dans ma tête. Je voulais disputer les Jeux de Tokyo mais cela ne constituait pas mon dernier objectif de carrière puisque je compte bien participer les Jeux de Paris, en 2024. »

Durant cette période, tu as regretté à un moment ton transfert à Cologne ?
« Oui, bien entendu. Je me suis posé beaucoup de questions. Mais le club a été très correct. Une semaine avant le report des Jeux, la direction m’a demandé si cela modifierait mon choix. Et ils étaient prêts à ce que je reste un an de plus en Belgique afin de pouvoir préparer les Jeux en conservant mes repères. Mais de mon côté, j’étais bien décidé à partir pour relever un nouveau défi. »

Donc pas de regrets aujourd’hui ?
« Ce n’est pas parce que je m’appelle Vincent Vanasch, que je suis champion du monde et d’Europe en titre et 3 fois meilleur gardien du monde, que je ne suis pas sous pression en changeant d’environnement. Ce départ m’a encore permis d’évaluer et d’apprendre de nombreuses nouvelles choses même si ma rentrée a été différée puisque je me suis blessé lors d’un test physique lors de la préparation. Le climat était loin d’être idéal. »

Cela a eu des conséquences sur ton niveau de jeu durant le 1er tour ?
« Je trouve que j’ai joué moins bien car j’ai dû m’adapter à un style auquel je n’étais pas habitué. Je m’attendais à exercer un rôle dans le groupe mais pas à ce point-là. J’ai dû m’imposer très rapidement comme un leader en prenant la parole au même titre que certains cadres comme Mats Grambusch ou Christopher Rühr. Ce n’était pas simple car tout se fait normalement en Allemand et que je ne parle pas encore la langue. Et même si Cologne est très content, je sais que je peux encore apporter plus. »

« Il s’agissait peut-être d’un signe pour me dire de faire attention. »

Ensuite, tu es tombé malade…
« Le 25 octobre, ma femme a été diagnostiqué positive et j’ai donc dû rentrer à la maison pour me mettre en quarantaine sans disputer le dernier match avant la trêve. Le lundi soir, j’étais testé et le mardi on recevait les résultats. J’ai donc loupé les matchs de Pro League face à la Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, à Uccle. Une nouvelle tuile alors que j’avais déjà dû faire l’impasse sur les 2 matchs précédents face à l’Allemagne à cause de ma blessure. Mais rapidement je suis dit que c’était le destin et qu’il s’agissait peut-être d’un signe pour me dire de faire attention. Cela m’a permis de prendre du temps pour moi et de réfléchir à la suite de ma carrière. »

Qu’est-ce que cette épreuve a changé en toi ?
« J’ai compris que je n’étais pas invincible. A chaque moment, la roue peut tourner. Je profitais déjà de l’instant présent et du fait de pouvoir monter sur le terrain et de vivre de ma passion. Mais j’en prends encore plus conscience aujourd’hui. J’ai été touché par la maladie mais je me sens privilégié car je n’ai pas dû être hospitalisé même si j’ai été très faible. »

Tu as eu peur de possibles conséquences ?
« Bien entendu. Quand je ressentais ces grosses raideurs durant la nuit qui me réveillaient tellement elles étaient insupportables, je me suis posé beaucoup de questions. Les médicaments n’avaient que peu d’effets et je me demandais quand j’allais récupérer à 100%. J’ai donc été extrêmement prudent durant ma revalidation en suivant un protocole très strict. Quand j’ai repris les entraînements collectifs, j’étais super excité. Cela faisait 3 semaines que je n’étais plus présent avec les Red Lions. Et cela n’a pas été simple à vivre. Les épreuves ont été nombreuses pour arriver à ce niveau et pour arriver à m’imposer comme gardien de l’équipe nationale. Je connais donc le prix à payer pour atteindre cet objectif. »

Ce report d’un an peut-il priver les Red Lions du titre olympique ?
« Nous ne le saurons jamais même si je pense que nous étions au-dessus de nos adversaires l’été dernier. Mais il ne faut pas croire que nous concurrents n’éprouvent pas non plus certaines difficultés à surmonter les épreuves actuelles. Nous serons toujours favoris l’été prochain si nous effectuons les efforts nécessaires durant ces 7 prochains mois et que nous nous focalisons sur nos objectifs. L’année 2021 sera longue et difficile mais je suis prêt à en découdre. »

Son année covid…

Ce qu’il retiendra de 2020 : « Cette année a été mitigée et contrastée en termes d’émotions. Je devais relever de nouveaux challenges. Ce qui est était motivant et excitant. Mais tout ne s’est évidemment pas déroulé comme attendu. Si, au final, il y a eu pas mal d’aspects négatifs, je retire également pas mal de positif de ces 12 derniers mois. J’ai ainsi eu la chance de passer beaucoup de temps avec mon fils Léo, âgé de 2 ans et demi, puisqu’il n’allait plus à la crèche. J’ai pu le voir grandir. Son évolution a été phénoménale et j’ai pu assister à cela au quotidien car je ne me suis plus entraîné avec les Red Lions ou en club durant plusieurs mois. Et cela n’a clairement pas de prix. »

Son pire souvenir : « J’ai surtout été marqué par la situation personnelle de nombreux Belges et cette fracture sociale qui s’est encore accentuée au cours des derniers mois. Le suicide d’Alysson, cette coiffeuse indépendante de 24 ans frappée par la crise, m’a terriblement ému. Idem avec les conséquences et les victimes collatérales de cette crise du coronavirus. Je suis troublé par les histoires entendues autour de ces malades du cancer qui ne sont pas présentés à temps dans les hôpitaux et qui sont, pour certains, aujourd’hui, condamnés. Je suis très inquiet pour l’avenir et de la manière dont nous allons pouvoir nous relever socialement et économiquement de cette pandémie. »

Propos recueillis par Laurent Toussaint.

Photo : Thierry Roge (Belga).

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