Quand Tom Boon et Thomas Detry croisent fer et stick

La rencontre remonte au 11 mars. Euh… 2020, vous situez ? A deux jours du tout premier confinement donc, alors que le covid suscitait encore davantage de questions que de craintes… « On fait juste gaffe à la manière dont on se dit bonjour », lance Tom Boon. Tandis que Thomas Detry évoque les premières difficultés à voyager : « On nous parle de quarantaines, ça va être pesant »… Plus d’un an plus tard, le covid n’est pas encore derrière nous, certes, mais alors que l’échéance olympique « bis » approche, les propos de ce Red Lion passionné de golf (depuis son retour de Rio, environ) et de ce golfeur (bien installé dans le top 100 mondial) qui a pratiqué le hockey pendant ses jeunes années, tendent vers un objectif commun qui mêle amusement et recherche de la perfection.

« Nous nous sommes rencontrés à la salle de cross-fit de Richard Vanmeerbeek ; je venais tout juste de me mettre au golf et j’ai directement fondu sur Thomas pour lui en parler », se remémore Tom Boon, tandis que Thomas Detry constate : « Ça aurait pu être l’inverse car le hockey est mon premier sport. J’habitais à côté du Léo où j’ai joué sous la houlette de Bob Maroye de mes 5-6 ans à mes 15-16 ans. J’ai rencontré là plusieurs de mes amis d’enfance (Dimitri Cuvelier, Thomas Henet, Arthur Verdussen) qui ont évolué en hockey pendant que je prenais de plus en plus souvent la direction des greens. Dès mes 11-12 ans, j’ai su que c’était de ce côté-là que je poursuivrais même si j’aime encore empoigner mon stick de temps en temps, mais c’est devenu très rare, par manque de temps. »

Les Red Lions, eux, sont de plus en plus nombreux à le trouver, le temps, pour aller taquiner la petite balle blanche, avec d’autant plus d’à-propos que certains mouvements sont assez proches dans les deux sports, en plus d’un sens de la balle rarement pris en défaut. « On joue de temps en temps ensemble, Tom et moi, et j’admets qu’il lui arrive de taper plus loin que moi. En revanche, il a encore une grosse marge de progression dans le petit jeu. Hein, Tom !, le putting et le chipping restent à travailler, non ? », se marre Detry en toisant son pote, qui embraye : « Au-delà du niveau de chacun, il faut reconnaître qu’on n’hésite jamais à jouer entre Red Lions, ça met toujours une bonne ambiance, même si l’esprit de compétition reste bien présent… »

Une compétition qui sera à son paroxysme, cet été, avec ces Jeux de Tokyo. « Un rêve », s’extasie Thomas Detry qui, à 28 ans, vivra là sa première expérience olympique et tente en attendant de capter tout ce qu’il peut. « Thomas (Pieters) et Coels (Nicolas Colsaerts) m’ont déjà confirmé que c’était juste incroyable. C’est d’autant plus révélateur dans notre sport qui n’est revenu qu’en 2016, après plus d’un siècle d’absence aux JO. Et quand on voit les retombées qu’a eues Justin Rose après sa victoire, on mesure combien c’est énorme. »

A 31 ans, Tom Boon vivra quant à lui ses troisièmes Jeux et il ne peut que comprendre l’impatience de son ami golfeur. « Tout a déjà été dit sur ce que l’on peut ressentir en marge de ce tournoi, à tel point même qu’on en a finalement assez peu parlé entre nous », constate le hockeyeur. « Mais au-delà de ce que chacun peut ressentir sur un plan personnel, ce qui est intéressant dans notre cas, c’est combien ce tournoi, et en particulier Rio, où nous avons perdu en finale face à l’Argentine, a pu nous faire grandir encore. Comme on l’a déjà dit cent fois : sans Rio 2016, nous ne serions sans doute jamais devenus champions du monde en 2018, et d’Europe l’année suivante. Et c’est clair que boucler la boucle en devenant champions olympiques sonne désormais pour nous comme une évidence même si rien n’est gagné d’avance et qu’il faut encore aller la chercher, cette médaille d’or ! »

« C’est vrai que ça aura alors les allures d’un Grand Chelem ! », s’exclame Thomas Detry. « Il y aura de quoi remplir à nouveau la Grand-Place comme lors de votre retour victorieux de la Coupe du monde 2018 ! Je dois dire que cette célébration reste un énorme souvenir pour moi car il faut se remettre dans le contexte : trois semaines plus tôt, Thomas Pieters et moi-même avions remporté la Coupe du monde de golf, à Melbourne. En notre for intérieur, nous nous étions dit que, comme ça, nous avions un peu vengé les Diables rouges, évincés quelques mois plus tôt du Mondial. Mais je ne dois pas vous rappeler qu’on n’a pas rempli la Grand-Place pour autant ! Alors c’était bien sympa de vous y voir, d’autant que ce que j’ai trouvé génial, c’est que je suis certain qu’il n’y avait pas que des hockeyeurs dans la foule. Et ça, c’était top pour le sport belge ! »

La vie de village olympique

A Tokyo, le Team Belgium tentera de se soutenir et de s’encourager tout au long des Jeux… « Jamais une tâche facile pour nous car nous sommes occupés pratiquement du début à la fin du tournoi, et puis nous sommes 16, ce qui limite les possibilités d’avoir des tickets pour aller voir un autre sport », soupire Tom Boon, qui se souvient avoir souvent vu Nicolas Colsaerts venir les encourager à Rio. « Je tenterai d’en faire de même », ajoute Thomas Detry. « Car avec le tennis, le hockey sera certainement le sport que je tenterai de suivre le plus ; plus que Nafi ou d’autres. Mais moi aussi je devrai composer en fonction d’un parcours de golf éloigné de plus de deux heures du village olympique, où je n’aurai dès lors pas l’occasion de dormir pendant notre compétition. Mais je serai là pour vous encourager avant et après ! »

C’était en tout cas le souhait exprimé il y a 14 mois. Entre-temps, les règles de vie extrêmement strictes édictées en marge des Jeux – les athlètes devront notamment quitter le Japon dans les 48 heures après leur dernière compétition… – ne permettront sans doute pas aux athlètes de vivre une véritable expérience olympique – « de traverser le village où tout a l’air parfait et où tout le monde est de bonne humeur », comme s’en souvient si bien Tom Boon. Mais cela ne les empêchera pas pour autant de nourrir leur rêve olympique.

Laurent Toussaint et Thierry Wilmotte, In Le Soir, jeudi 6 mai 2021.

Photo : Dominique Duchesnes (Le Soir).

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