Les défis ne manquent pas pour la Fédération et la Top Hockey League (THL). Pour rester à la pointe, mais surtout pour digérer la croissance continue du nombre de membres, le hockey belge doit se réinventer. Et cela passe par une réflexion sur sa pratique au plus haut niveau. Si les membres des équipes nationales sont déjà considérés, depuis plusieurs années, comme des professionnels à part entière, les joueurs et joueuses qui évoluent en division d’honneur ne peuvent pas encore tous vivre de leur passion. « Le hockey belge est toujours semi-professionnel », reconnaît Fabrice Rogge, le président de la THL, qui regroupe l’ensemble des clubs de DH. « Et ce même si les équipes du top 8 de l’élite messieurs peuvent être considérées comme full pros . Dans les autres clubs, il y a plus d’étudiants et de personnes qui exercent une autre profession sur le côté. Chez les dames, il y a encore une majorité de joueuses qui étudient ou qui bossent. »
Mais qu’en sera-t-il dans le futur ? L’évolution est en marche. Le hockey belge souhaite pérenniser sa domination actuelle au niveau mondial et, pour ce faire, nombreux sont ceux qui souhaitent une professionnalisation de la division d’honneur. « Il faut tendre vers un cadre entièrement professionnel », affirme celui qui est également président de La Gantoise. « Nous devons encore investir dans la visibilité du championnat et trouver de nouveaux partenaires souhaitant associer leur image à notre compétition. Cela nous offrira les moyens financiers pour effectuer ces derniers pas en avant. La Belgique occupe la première place mondiale et notre championnat est l’un des trois meilleurs au monde. Nous n’avons pas de raison de traîner la patte. Nous pouvons être fiers de ce qui a été réalisé. La professionnalisation dans le sport véhicule souvent une connotation négative, mais elle doit nous servir à poursuivre notre développement et à nous maintenir au sommet. »
Attention au fossé
Si cette évolution permettrait d’augmenter le niveau de la compétition et de disposer de moyens supplémentaires pour aménager les infrastructures ou développer les écoles des jeunes, elle pourrait en revanche conduire à certaines dérives, comme le reconnaît Fabrice Rogge. « Il faudra éviter les dangers classiques de la professionnalisation. Il sera essentiel que cela n’altère pas les excellentes relations entre les clubs ni ne dérègle le système des transferts. Cette évolution demande évidemment de la préparation et imposera des choix qui ne s’annoncent pas évidents pour tout le monde. Mais nous connaissons les pièges à éviter ! »
De son côté, Serge Pilet, le secrétaire général de la Fédération, se montre un peu plus circonspect. « Cette décision n’appartient pas réellement à l’ARBH. C’est évident qu’il y aurait moyen de basculer dans un sport totalement professionnel, mais à une condition : que les moyens financiers suivent. Il faut que les clubs puissent disposer de rentrées suffisantes au niveau du sponsoring ou du ticketing afin de disposer des budgets nécessaires pour payer les salaires des joueurs. Mais attention, en hockey, les noyaux se composent de 18 joueurs, voire plus. Cela n’a rien à voir avec le basket ou le volley. Mais rien n’empêche en revanche de continuer à professionnaliser notre sport au niveau de la formation, de l’encadrement ou des infrastructures. »
L’arrivée de la licence pour la saison prochaine constitue en tout cas une nouvelle étape importante pour le hockey belge. Celle-ci doit offrir un cadre de travail clair et précis pour garantir l’équité des compétitions. « Nous n’accepterons pas un hockey à deux vitesses », complète Serge Pilet. « Si on observe le football, les clubs les plus riches mènent la danse en Division 1A et certains peinent à suivre. Il faut éviter qu’un fossé ne se creuse entre les clubs et que de trop gros écarts n’apparaissent dans les moyens et les ambitions. Il est essentiel que tout le monde puisse continuer sainement à participer à ce projet. »
Les clubs sont bien conscients que le temps de l’amateurisme pur est terminé. Mais personne n’acceptera cependant de céder aux sirènes du professionnalisme sans recevoir de quelconques garanties.
Laurent Toussaint, In Le Soir, samedi 28 novembre 2020.
Photo : John Thys (Belga).