Le rêve olympique de Gregory Uyttenhove

Si tous les regards sont évidemment fixés sur les prestations des Red Lions lors de cette Coupe du monde, un autre Belge joue lui aussi extrêmement gros, en Inde, durant ce même tournoi. En effet, Gregory Uyttenhove, l’arbitre belge nº1, a entamé sa longue route vers une désignation pour les Jeux de Tokyo en 2020. Ce qui constituerait une remarquable performance puisque plus aucun de nos compatriotes n’a reçu cet honneur, chez les hommes, depuis les JO de Sydney, en 2000, avec Eric Denis, dernier arbitre belge aussi à avoir officié en Coupe du monde. C’était en 1998, à Utrecht.

A Bhubaneswar, le Gantois se sent comme un poisson dans l’eau. Epanoui et en pleine forme, il sait qu’il est attendu lors de ce tournoi et que rien n’est jamais acquis dans l’arbitrage. Il faut sans cesse prouver et démontrer ses qualités mais surtout sa maîtrise du match et de ses acteurs. « A ce niveau, nous sommes tous au point techniquement et au niveau du règlement. C’est la gestion des rencontres et la psychologie affichée qui sont déterminantes. Chaque duel est différent et il faut tenir compte de très nombreux facteurs lorsque l’on officie. Jusqu’ici, je suis assez satisfait de mes prestations. Dans ce tournoi, l’analyse des matchs est très poussée et porte toujours sur ce qu’on doit améliorer. Nous n’avons donc pas le temps de nous reposer sur nos lauriers. Je me sens très bien physiquement et mentalement, et je vis intensément le tournoi. »

L’« arbitre de l’année » 2018 a réussi un début de tournoi d’excellente facture. Il a déjà officié deux fois pour la vidéo et deux fois sur le terrain (lors d’Angleterre – Chine et de Malaisie – Pakistan) et il espère pouvoir aller le plus loin possible dans la compétition pour gagner un maximum de points pour continuer à grimper dans la hiérarchie mondiale. « Je ne considère certainement pas cette Coupe du monde comme une étape vers les JO. C’est le plus grand tournoi de hockey au monde. A ce titre, mon attention est entièrement focalisée sur la compétition et, pour être totalement honnête, je ne pense pas à un seul instant à Tokyo à l’heure actuelle. »

Mais pour atteindre ce niveau, comme pour les joueurs, cela demande une abnégation totale à l’avocat bruxellois qui sera papa, pour la seconde fois, en janvier, et qui arbitre déjà depuis 20 ans en Division d’honneur. « Je ne cache pas que cela devient de plus en plus difficile de combiner l’arbitrage et mes obligations professionnelles. La durée du tournoi et la longue préparation pour y arriver requièrent d’importants sacrifices professionnels et familiaux. C’est un défi et il faut être entouré de gens très compréhensifs et qui sont prêts à vous seconder pour y arriver. »

La préparation a donc été intense car les exigences sont énormes pour prester au plus haut niveau. « J’ai suivi l’exemple de Laurine Delforge (NDLR : la Belge, « meilleure arbitre du monde » en 2016, a dirigé la finale des JO de 2016 et celle de la Coupe du monde féminine 2018) avant les Jeux de Rio, explique Gregory Uyttenhove. Elle avait innové en optant pour une préparation très professionnelle. J’ai ainsi suivi six mois d’entraînement spécifiques pour les yeux et, plus particulièrement, des muscles situés derrière ceux-ci. Cela m’offre une vision plus claire sur la profondeur et mes yeux peuvent aussi suivre plus précisément un objet qui se déplace rapidement. A côté de cela, les arbitres se préparent également physiquement et mentalement pour les tournois majeurs avec des professionnels. »

Le hockey n’a jamais été aussi rapide. Les arbitres n’ont donc pas eu le choix : ils ont dû s’adapter dans leur approche du jeu et dans leur communication. « Notre positionnement a fort changé par rapport au jeu au cours de ces dernières années. Nous avons également remis en question notre relation avec les joueurs pour être désormais plus à leur service en essayant de maintenir un dialogue. Les phases sujettes à interprétation sont nombreuses. Elles dépendent souvent de notre position par rapport à l’action. Un arbitre doit réussir à influencer le jeu de manière positive en restant discret et en maintenant un dialogue constructif. »

Les juges belges ont toujours été reconnus et respecté dans le monde du hockey et ce depuis de très nombreuses années. Patrick Van Beneden, Viviane Philippens (finale des Jeux à Moscou en 1980), Christiane Asselman (petite finale des Jeux à Los Angeles en 1984), Dominique Achez, Eric Denis, ou, plus récemment, Laurine Delforge ont marqué de leur empreinte l’arbitrage sur la scène internationale. Gregory Uyttenhove pourrait donc très bientôt les rejoindre et lui aussi vivre son rêve olympique.

Laurent Toussaint (à Bhubaneswar), In Le Soir, vendredi 6 décembre 2018.

Photo : FIH.

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