L’arbitrage belge doit franchir un nouveau cap

Chaque semaine, la même histoire se répète inlassablement autour des terrains. Que ce soit au niveau de la division d’honneur ou des jeunes, l’arbitrage et les hommes ou les femmes qui l’incarnent suscitent toujours de nombreuses discussions. Si certains commentaires sont légitimes, d’autres, en revanche, sont empreints de mauvaise fois, d’agressivités mal placées ou même de méconnaissance totale des règles. « Je le répète depuis des années. Le problème de l’arbitre est le même que celui de l’enseignent. Il coûte de l’argent. Il ne rapporte rien et on lui tombe toujours dessus. » Les propos de Laurent Colemonts, le nouvel homme fort de l’arbitrage dans notre pays, sont sans fioritures. Le Bruxellois de 47 ans ne prend pas de gants lorsqu’il répond aux interviews. Après une carrière de 12 ans comme arbitre de football en division 1, ce professeur d’éducation physique a accepté d’apporter son expertise dans le milieu du hockey qu’il fréquente déjà depuis 1995.

Depuis le 1er août dernier, il a succédé à Frédéric Deneumostier à la tête du Comité d’arbitrage de l’ARBH et il rêve de pouvoir rapidement changer les mentalités pour amener plus de professionnalisme au niveau des directeurs du jeu. « Le niveau de notre arbitrage n’est pas mauvais. Nous sommes d’ailleurs reconnu au niveau international. Mais il manque principalement de structure et, surtout, d’un peu plus d’investissements de part et d’autres. Et je ne parle pas uniquement du volet financier. Je trouve que cela devient problématique de ne pas être suffisamment préparé par rapport à des joueurs dont c’est, aujourd’hui, devenu, pour certains, leur métier. Dans le passé, nous avons toléré que certains arbitres officient alors qui n’avaient pas passé leurs tests physiques car nous n’en avions pas assez. Ce n’est pas normal ! »

Depuis plusieurs saisons, on évoque ainsi la possibilité de créer un statut d’arbitre semi-professionnel comme au football. Cependant, cette solution ne convainc pas totalement Laurent Colemonts qui reconnaît que beaucoup ne seraient pas prêts à sauter le pas. « La grande différence qu’il existe entre le football et le hockey, c’est qu’il n’est plus possible de jouer quand on officie au plus haut niveau. Personne n’aurait jamais imaginé Pierluigi Collina jouer au foot quand il était le meilleur referee au monde. Chez nous, de nombreux arbitres évoluent encore en club le dimanche matin. Et c’est problématique. Même si, attention, je respecte évidemment qu’ils s’adonnent encore à leur passion. Mais enchainer une première rencontre comme joueur puis une seconde comme officiel, c’est compliqué, physiquement et au niveau de la concentration. Ce statut va, en outre, engendrer de nombreux sacrifices comme le fait de devoir participer à un plus grand nombre d’entraînements physiques ou collectifs. »

Pour mener à bien son projet, celui qui officie toujours comme « délégué de match » en Pro League et en D1 et comme coach des arbitres professionnels veut s’appuyer sur 4 axes essentiels : augmenter le niveau physique général en organisant des tests plus équitable et en structurant mieux les entraînements collectifs, attirer plus de femmes au niveau de l’arbitrage, améliorer la qualité du coaching et faire bénéficier l’indoor des avancées de l’outdoor. « C’est évident que pour un sport où la parité existe réellement entre les hommes et les femmes, il est anormal de ne pouvoir s’appuyer que sur 10% d’arbitres féminines dans nos rangs. A l’heure actuelle, nous nous appuyons sur 260 arbitres masculins pour seulement 25 du côté féminin. Mais il existe une bonne génération qui pousse. Nous avons d’ailleurs initié un projet d’accompagnement spécifique pour 50 jeunes candidats, de maximum 25 ans, en collaboration avec les clubs. Toutefois les examens doivent être plus sévères car nous avons accepté trop facilement certains arbitres afin de remplir les cadres. A l’heure actuelle, il manque d’ailleurs encore une bonne centaine d’arbitres dans notre pays. »

Enfin, il est essentiel d’améliorer au plus vite la connaissance des règles et l’éducation des spectateurs autour des terrains. « La situation a tendance à s’empirer au fil des années. Mais comment un enfant peut-il respecter un arbitre si son coach ou ses parents ne cessent de le critiquer durant tout le match ? Je déplore qu’il y ait encore trop de personnes qui ne connaissent pas les règles du jeu. Un arbitre peut se tromper comme tout le monde. Mais cela prend immédiatement des propositions énormes. Je trouve enfin que nous sommes parfois encore trop gentils en Belgique. Les arbitres ont peur de sanctionner certaines fautes ou des comportements inadéquats. Ils pourraient être plus durs. Le règlement du hand-ball est, par exemple, beaucoup plus strict. Nous devons continuer à nous inspirer d’autres disciplines. Je dois bien reconnaître que nous sommes encore un peu en retard sur d’autres sports à ce niveau-là. Nous possédons un des meilleurs championnats au monde et nous devons devenir un exemple pour les autres pays au niveau de l’arbitrage. »

Laurent Toussaint, In Le Soir, samedi 23 novembre 2019.

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