Victor Charlet : « Cette équipe veut écrire l’histoire et faire évoluer le hockey français »

Le capitaine français est un homme heureux. La belle victoire remportée avec panache face à l’Argentine est le succès que cette équipe attendait. Le match référence qui va leur permettre de poursuivre leur progression vers les sommets du hockey mondial. Victor Charlet (25 ans – 106 sélections) nous a reçu dans son hôtel au lendemain de la qualification des Bleus pour les matchs croisés. Le géant nordiste (1,96 m), qui évolue dans la défense centrale du Waterloo Ducks, nous a accordé un long entretien lors duquel il est revenu sur le chemin parcouru depuis 12 mois. Il évoque aussi les sacrifices énormes de ce groupe mais aussi sur les ambitions de la France pour les années à venir avec, en point d’orgue, les Jeux de Paris en 2024.

Victor, ce duel remporté face à l’Argentine est, enfin, la rencontre référence que vous attendiez pour poursuivre votre processus de développement ?
« Exactement. Cette équipe veut écrire l’histoire et faire évoluer le hockey français. Ce match est le tournant que nous attendions. Cela nous fait rentrer dans une autre dimension, celle que nous recherchions depuis des mois. »

C’est le match le plus abouti que vous avez proposé ces dernières années ?
« On peut dire ça. Nous avons été très forts défensivement, et efficaces offensivement. Souvent, nous avions éprouvé pas mal de difficultés à coupler les deux. Quand nous étions costauds en défense, nous n’étions pas au point en zone de conclusion. A côté de cela, nous ne marquions pas beaucoup de buts de plein jeu. Mais ici, nous sommes tous parvenus à élever notre niveau de jeu en même temps et nous avons été bons dans tous les secteurs. »

Vous avez réussi également à rester bien calme même lorsque Gonzalo Peillat a inscrit ses 2 p.c. en moins de 4 minutes.
« Nous connaissons tous ce type de scénario où une équipe mène avec 3 buts d’avance et elle se dit qu’il faut absolument éviter d’encaisser un goal. Et là, ces 2 buts tombent coup sur coup. Mais nous savions qu’ils allaient obligatoirement marquer sur penalty vu la qualité de leur tireur. Nous devions simplement continuer à jouer dans notre système et continuer à attaquer. Et ce 5e but nous a mis à l’abri. »

Quel est l’apport de Jeroen Delmee et de Xavier De Greve ? Cette équipe a énormément évolué depuis 12 mois grâce au duo.
« Xavier était déjà là avant l’arrivée de notre coach néerlandais. Votre compatriote nous a beaucoup apporté au niveau offensif et dans tout ce qui concerne la construction du jeu, les schémas tactiques des adversaires, ou dans les réponses à apporter face à n’importe quel type de défense. De son côté, avec son passé de joueur exceptionnel, Jeroen nous a fait rentrer dans une autre dimension au niveau du professionnalisme, que ce soit au niveau du jeu, de l’hygiène de vie et dans la gestion des moments clés. Il y a encore 3 ans, dans un match comme celui-ci, nous aurions peut-être pété les plombs et nous nous serions inclinés à l’issue des 60 minutes. »

C’était nécessaire de faire appel à des entraîneurs étrangers en équipe de France ?
« Forcément. Nous étions obligés d’aller chercher ce qui se fait de mieux au niveau des coachs. Idem pour les joueurs qui sont partis évoluer dans des championnats étrangers comme la Belgique. C’est un peu le même processus. Des entraîneurs comme Jeroen Delmee ou Xavier De Greve connaissent parfaitement le haut niveau. Leur présence est essentielle pour nous aider à progresser. »

La plupart des joueurs évoluent effectivement en division d’honneur, cela vous a également rendu un grand service lors de la préparation.
« Nous avons effectivement eu la chance de nous retrouver toutes les semaines sur le terrain du Waterloo Ducks pour nous entraîner durant cette année. Nous étions 16. Les autres se retrouvaient à Paris. Nous nous entraînions 3 jours par semaine à Waterloo et cela a clairement fait une grosse différence. Nous avons aussi la possibilité d’évoluer à un haut niveau tous les week-end, en Belgique, même si le niveau international est évidemment encore un cran au-dessus. Cela nous permet néanmoins de nous rapprocher de cette intensité, du rythme de jeu ou d’affronter de grands joueurs internationaux. »

L’échéance des Jeux de Paris, cela vous apporte une motivation particulière dans votre travail au quotidien ?
« Pour être très honnête, nous ne parlons pas beaucoup des Jeux de Paris entre nous. Cette échéance est proche mais finalement encore très loin. Nous savons que nous devons effectuer le travail avant ce rendez-vous qui sera, entre guillemets, la cerise sur le gâteau. La Fédération a annoncé une médaille aux Jeux en 2024. Mais si on veut terminer sur le podium lors de ce rendez-vous, il faudra forcément que nous forgions de bons résultats avant. Si nous sommes 20e mondiaux lors des JO, nous ne pouvons pas prétendre à une médaille à Paris. Là, nous avons commencé le boulot mais cela passe par cette Coupe du monde, par Tokyo en 2020 et par les World Series. »

Ce n’est pas évident non plus pour le hockey français de vivre dans l’ombre des autres disciplines sans réelle attention médiatique ?
« C’est clair. Nous nous entraînons énormément. Nous ne voyons pas beaucoup nos familles et nous faisons énormément de sacrifices. Et au final, nous sommes considérés comme des sportifs de seconde zone alors que nous nous entraînons certainement plus que les footballeurs ou les rugbymen qui sont sur-médiatisés. Mais on s’y fait. Nous savons que le hockey n’est pas un sport accessible. Mais nous commençons à montrer le bout du nez dans les médias. C’est bon signe. »

A un niveau plus personnel, tu as énormément évolué et tu es devenu, aujourd’hui, l’un des meilleurs sleepers du monde. Tes coéquipiers du Watducks me confiaient : « Victor, c’est un acharné. Il bosse comme un dingue. Il n’arrête jamais. » C‘est ça ton secret ?
« Oui, c’est vrai. Je suis très pointilleux et très professionnel dans mon approche. Que ce soit par rapport à la nourriture, à mon hygiène de vie, j’essaie de tout calculer et de tout faire à fond. Je ne veux pas avoir le moindre regret. Mes objectifs sont très élevés. Et durant cette Coupe du monde, je veux vraiment prouver que je fais partie des meilleurs joueurs du monde dans ma catégorie. Pour le p.c., je bosse énormément et j’ai acquis une certaine maturité. Avant je pouvais m’énerver quand je ne marquais pas. Mais, aujourd’hui, je relative un peu. Je travaille beaucoup avec la vidéo et avec Xavier De Greve. Il m’apporte ce calme nécessaire pour être bien posé et pour analyser. Enfin, tout est lié avec l’équilibre que l’on peut installer avec la famille et le travail physique qui est capital vu mon physique. »

Tu fais combien de sleeps par semaine ?
« Ca dépend. C’est un peu comme je le sens. Parfois, j’ai besoin d’en faire beaucoup. A d’autres moments, j’ai besoin d’être seul sans donneur ni bloqueur. J’ai envie de trouver le rythme moi-même. Avant, j’étais plus dans la quantité mais maintenant je suis avant tout dans la qualité. Mon geste est là même s’il y a parfois quelques petits détails à régler. Je me concentre beaucoup sur moi-même. Si je place la balle où je veux avec ma puissance, il y a de fortes chances qu’elle finisse au fond des filets. La présence de Vincent Vanasch, le meilleur gardien du monde, à l’entraînement, au Watducks, me permet évidemment de travailler encore à un autre niveau. On se tire tous les deux vers le haut. Et ce n’est pas seulement au niveau hockey mais aussi au niveau humain. Vincent est un gars génial. Il me donne beaucoup de conseils. Il est toujours positif. »

Quel est, à présent, le nouvel objectif de la France dans ce tournoi ?
« Nous allons aborder les étapes les unes après les autres. Maintenant, nous allons tenter de rejoindre les quarts de finale. Nous affronterons la Chine, ce lundi. C’est le début des matchs couperet. Une victoire et tu te retrouves au stade suivant. Nous visons à présent le Top 8 et puis nous verrons bien. »

Cette coupe du monde est d’ores et déjà une réussite ?
« (Long silence)… Non… Mais moi je suis très exigeant (Rires). Que ce soit dans les résultats, dans les performances, avec mes partenaires. Il nous reste encore, au minimum, un match à jouer et nous allons monter sur le terrain pour le gagner. Je ne veux surtout rien regretter ! »

Entretien : Laurent Toussaint.

Photos : FIH.

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