Les paris en hockey, sans délit d’initiés

Depuis le week-end dernier, la société Ladbrokes, leader belge des paris sportifs, propose de miser sur les rencontres de division d’honneur messieurs. Une nouveauté qui fait grincer certaines dents dans le milieu en général et à la Fédération belge de hockey. « Nous allons nous renseigner auprès d’un avocat spécialisé dans le sport afin de connaître la législation en la matière, embraye Serge Pilet, le secrétaire général de l’ARBH. Pour être très clair, nous ne sommes pas favorables à cette initiative qui ne cadre pas, selon nous, avec nos valeurs. Cependant, nous ne pouvons pas empêcher les sociétés de paris d’utiliser notre sport. Nous devrons donc instaurer rapidement une réglementation spécifique à cette problématique. Le précédent CA de l’ARBH avait déjà décidé de ne pas accepter le sponsoring par des sociétés de betting de notre compétition et de nos équipes nationales. »

Du côté de Chloé Volcy, Project Manager chez Ladbrokes, on reconnaît que l’essor actuel du hockey belge n’est évidemment pas étranger à ce soudain intérêt. « Il s’agit d’une discipline en plein boum dans notre pays. Nous nous sommes également rendus compte que le nombre d’affiliés était de plus en plus importants et qu’il y avait même pas mal de joueurs qui quittaient le football pour se tourner vers le hockey. Il existe donc, selon nous, un réel potentiel à explorer. Nous n’avons pas beaucoup de concurrents sur le marché car la saison est relativement courte et il n’y a pas beaucoup de matchs. »

Cette nouveauté suscite évidement de nombreuses discussions autour des terrains. Les récentes histoires de paris ou de matchs truqués dans d’autres disciplines inquiètent ce sport familial où les valeurs de respect et de fair-play ou d’éthique demeurent essentielles. « Nous voulons éviter une affaire Olivier Deschacht dans le hockey, prévient sans détour Serge Pilet. Nous pourrions rapidement rappeler les devoirs et les obligations des joueurs et des clubs à ce niveau-là en élaborant, par exemple, une charte. Mais nous devons encore discuter en interne des meilleures options. »

Chaque année, des sportifs, professionnels ou non, sont sanctionnés pour avoir parié en ligne sur des matchs de leur propre compétition. Ce qui est formellement interdit, tout comme la possibilité de demander à d’autres personnes de le faire pour eux, sous peine de commettre un délit d’initiés. En Belgique, la législation est très claire. Sur le plan pénal, la loi du 10 janvier 2010 prévoit ainsi à l’article 4 qu’il « est interdit à quiconque de participer à tout jeu de hasard si l’intéressé peut avoir une influence directe sur son résultat » .

« Vous m’apprenez qu’il existe dorénavant la possibilité de poser des paris sur le hockey sur gazon, reconnaît Etienne Marique, le président de la Commission des jeux de hasard. Comme pour toutes les autres disciplines visées par la législation, nous pouvons effectivement effectuer des vérifications de manière plus structurelle. Pour cela, la Fédération belge de hockey devrait prendre contact avec nous et nous fournir la liste des joueurs qui évoluent en division d’honneur ainsi que celle des arbitres qui officient au cours de ces rencontres. »

Chez Ladbrokes, où l’on peut parier sur 26 sports, les premiers retours sont plutôt positifs même si on ne souhaite pas communiquer sur les chiffres. « L’important est d’avoir pu ouvrir un nouveau créneau, conclut encore Chloé Volcy. Il y aura certainement un engouement de plus en plus important autour du hockey dans les prochaines semaines. Les gens découvrent notre offre au fur et à mesure. Nous ne savons pas encore si nous proposerons des paris autour de l’équipe nationale pendant la Coupe du monde. Mais pourquoi pourrait-on miser sur les prestations des Diables rouges et pas sur celle des Red Lions ? ».

Laurent Toussaint, In Le Soir, jeudi 18 octobre 2018.

Photo : Jasper Jacobs (Belga).

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