Fabrice Rogge : « Nous arrivons réellement à la limite de ce que nous pouvons accepter »

A l’aube du coup d’envoi de la saison et surtout du lancement du nouvelle formule de championnat, le président de la THL, Fabrice Rogge, a accepté de nous accorder un long entretien pour expliquer le travail de la Top Hockey League et aborder les prochains grands défis qui attendent le hockey belge durant ces prochaines années. Le Gantois a répondu sans langue de bois et avec beaucoup de transparence à nos différentes interrogations.

Fabrice, quel est le bilan que vous tirez après ces 6 premier mois d’existence ?
« Même si la THL existe effectivement dans sa forme actuelle depuis mars 2018, notre groupe de travail est déjà en place depuis 2 ans. Nous sommes naturellement très satisfaits du chemin parcouru puisque nous sommes parvenus à mettre sur pied, une véritable plate-forme d’échange entre présidents. Les enjeux deviennent de plus en plus considérables. Nous sommes tous confrontés aux mêmes problématiques et nous avons les mêmes dossiers à traiter. Il était donc capital de pouvoir regrouper les besoins des clubs et de nous rassembler pour parler d’une seule et même voix. Nous avançons dans la bonne direction et nous avons déjà pu mener à bien plusieurs dossiers importants comme la réforme de la compétition, la négociation des nouveaux droits télévisés. »

Le dossier concernant la réforme du championnat est effectivement le meilleur exemple de cette dynamique dont vous parlez ?
« Tout à fait. Nous avons pu discuter sereinement entre nous. Les 18 clubs de division d’honneur étaient représentés par leur président ou par un membre influent de leur conseil d’administration. Nous avons rapidement trouvé un terrain d’entente en nous basant en grande partie sur le modèle proposé par John-John Dohmen. La Fédération a travaillé, à nos côtés, afin de mettre sur pied un format viable en tenant compte du contexte imposé par la Pro League et la réduction nécessaire du nombre de journées. Nous avons ainsi pu trouver le modèle le plus attrayant qui offre plus d’enjeux et surtout plus de matchs à suspense dans l’ensemble de la saison. »

Les voix n’ont-elles pas été trop discordantes au sein de la THL lors de ces discussions ?
« Chaque changement demande certaines adaptations. Il y aura une véritable valeur ajoutée à ce championnat même si les équipes disputeront 4 rencontres de moins la saison prochaine. Mais nous n’avions pas vraiment le choix. Certains voulaient conserver 26 journées. Nous avons dû absorber la décision de la FIH. Mais tout le monde avait bien conscience qui nous devions parvenir à un accord afin de pérenniser notre modèle. »

Vous discutez avec les clubs néerlandais et allemands qui se retrouvent dans la même situation que vous ?
« Les clubs occupent une position importante en Belgique, en Allemagne ou aux Pays-Bas. Le modèle de championnat que l’on retrouve dans notre pays et chez nos voisins est essentiel car il permet aux clubs de disposer de ressources financières pour financer, entre autres, leur école des jeunes. Il est donc important d’échanger et de partager nos positions. »

Ce sont les clubs qui paient en grande partie les joueurs mais ils ne sont finalement à votre disposition que 5 mois par an ?
« C’est vrai que ce n’est pas toujours évident à accepter. Mais je crois très fort à des situations de win-win. La FIH doit comprendre le contexte ou la situation spécifique au sein de plusieurs pays européens. Nous pouvons heureusement compter sur le soutien de l’ARBH qui fait son maximum pour exposer nos inquiétudes aux instances internationales. Mais je le concède, nous arrivons réellement à la limite de ce que nous pouvons accepter. Les différents pays vont se lever pour défendre leurs championnats nationaux. Nous devons donc réfléchir dans un contexte européen et trouver des solutions qui puissent convenir aux différentes parties. »

Quel est l’état des lieux dans le dossier des licences pour les clubs de division d’honneur ?
« Nous avons déjà pris les premières mesures. Elles concernent les joueurs étrangers non-européens ou la mise en place d’un cadre financier sain. Nous possédons un groupe de travail qui se penche uniquement sur ces dossiers. Nous pouvons effectivement trouver des accords en clubs mais cela doit se faire, main dans la main, avec la Fédération. »

Les indemnités de transfert constituent certainement l’un des principaux débats qui doit vous opposer ?
« Chez les jeunes, c’est compliqué. Selon moi, la situation actuelle est bonne. Il n’y a pas d’argent qui circule. Les premières crispations pourraient apparaître si on parlait de paiement entre les clubs. Ceux-ci s’engagent à former des jeunes au sein de leurs structures. Mais si ils perdaient à chaque fois leurs meilleurs éléments, cela pourrait être démotivant pour certaines équipes. Dans ce dossier, c’est à la Fédération à trouver une solution si il existe un besoin spécifique. La situation actuelle n’est peut-être pas parfaite mais elle n’est pas la même non plus que dans d’autres disciplines comme le football. Le débat est large et loin d’être bouclé. »

La situation est légèrement différente pour les joueurs de division d’honneur. Vous êtes favorable à une période mercato et à des transferts payants entre clubs ?
« Actuellement, il n’existe pas suffisamment de stabilité pour les clubs. On pourrait signer des contrats pour 2 ou 3 saisons. Nous sommes naturellement favorable à imposer une période de transfert en dehors de la compétition et dès la fin des playoffs. Ce n’est pas sain lorsqu’un club communique trop tôt une arrivée dans son noyau. Certains parviennent à garder ces transferts secrets. Pourquoi pas tout le monde ? On pourrait prévoir des clauses de non-divulgation dans les contrats. Mais, c’est intéressant de regarder comment cela fonctionne dans d’autres disciplines et d’en tirer des leçons. Nous continuons notre évolution vers toujours plus de professionnalisme. C’est intéressant de partir d’une page blanche et de trouver le bon cadre pour chaque problématique. »

Vous venez de renégociés les droits télévisés avec Telenet pour une période de 3 ans. La question suivante sera volontairement provocatrice. Les matchs de hockey de division d’honneur ont-ils une véritable valeur ?
« Bien entendu. Je pense sincèrement que les rencontres du championnat de Belgique sont attractives. Les retours des diffuseurs sont très bons. Le hockey est un des rares sports à pouvoir se prévaloir d’une répartition 50/50 entre hommes et femmes. Le jeu est rapide et la croissance des membres se poursuit. Nous sommes donc un sport populaire. Nous possédons l’un des meilleurs championnats du monde et nous devons être fiers de pouvoir le montrer, chaque dimanche, aux amateurs de hockey mais aussi à ceux qui aiment le sport de manière générale. Dans le passé, les clubs ont beaucoup investi pour que le hockey soit en télévision. Le nouvel accord a considérablement amélioré la situation pour les clubs pour le futur. »

Quels est le prochain grand chantier qui est inscrit à votre agenda ?
« Le plus important est de proposer un bon marketing de notre championnat. Nous devons réussir à communiquer notre enthousiasme au grand public. L’intérêt pour cette nouvelle formule doit grandir. Il faut qu’il y ait de plus en plus de personne, et des non membres, qui viennent remplir nos stades. Nous avons beaucoup d’idées et d’initiatives à mettre en place dans les prochains mois. »

Entretien : Laurent Toussaint.

Photo : Kristof Van Accom (Belga).

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