A la veille de l’entrée en matière des Red Lions dans ce Championnat, le milieu de terrain brabançons nous a accordé un long entretien. A 35 ans, il est évidemment l’un des cadres de cette équipe et pose un regard avisé sur le tournoi mais aussi sur les attentes extérieures de plus en plus oppressantes sur les prestations des Red Lions. Le duel face à l’Angleterre (12h30) sera aussi particulier pour John-John Dohmen qui honorera sa 454e sélection internationale et battra le record établi par le Néerlandais Teun De Nooijer. Une rencontre essentielle qui influencera la suite du tournoi.
John-John, toujours aussi impatient de débuter un grand tournoi international ?
« Oui évidemment. Je l’ai déjà répété à plusieurs reprises. Plus on avance en âge, moins on aime les entraînements et au plus on attend les tournois avec impatience. La préparation a été très longue et je suis donc très impatient de commencer. J’éprouve le sentiment que c’est peut-être ma dernière fois. Même à chaque action que je joue. Et c’est de plus en plus fort à chaque fois. »
C’est très présent chez vous ?
« Evidemment. On ne sait jamais quand tout cela va s’arrêter. Et cela devrait être le cas tout au long de la carrière. On ne sait jamais si on va se blesser. Peut-être qu’on ne disputera qu’un seul tournoi majeur dans notre vie. Cela donne de la force. »
Cette équipe est plus forte, aujourd’hui, qu’elle ne l’était en janvier dernier lors de la Coupe du monde ?
« C’est très difficile de comparer. Il y a de nouveaux joueurs. Nous verrons quelle dynamique cela va apporter. Je pense que cela donnera beaucoup de fraîcheur, d’énergie et d’enthousiasme. Mais dire qu’elle est plus forte ou moins forte, je pense que cela n’a aucun sens. Lors de la Coupe du monde, nous étions quand même compétitifs mais si certains prétendent que nous étions moins forts que d’habitude. Mais au final, nous perdons en finale aux Shoot-outs. Peut-être que le chemin a été moins facile mais, au final, nous avons répondu présent. »
La pression est plus forte que jamais sur les Red Lions
Mais vous étiez moins dominateurs que lors des JO à Tokyo ?
« Oui mais je pense que nous sommes devenus trop gourmands. Honnêtement. Parfois, il faut retomber un peu les pieds sur terre. Arriver en finale et perdre aux tirs au but, c’est exceptionnel. Et vouloir éclater tout le monde sur le score de 3-0, à chaque fois, ce n’est pas la réalité de la vie. »
Justement, comment vous gérer cette pression ? On parle énormément de cette qualification pour les Jeux de Paris. Vous arrivez à rester dans votre bulle ?
« Oui, bien entendu. Nous restons dans notre bulle. Il y a beaucoup de pression. Et une pression qui n’était pas là avant. En plus, aujourd’hui on doit jouer le feu à chaque match. Et cela, il y a beaucoup de joueurs qui subissent celle-ci car ils veulent toujours au maximum de leurs possibilités lors de chaque rencontre. Mais ce n’est pas possible. »
Mais c’est ce que demande Michel van den Heuvel. Même aux entrainements ?
« Si un petit peu. Mais il faut tout de même se montrer un peu réaliste dans la vie. Parfois, tu peux gagner un tournoi, et cela s’est déjà vu dans un tas de sports, en ne jouant pas de manière académique. Un peu à l’Allemande. Parfois. Et cela peut arriver. »
Mais ce n’est pas vous qui avez aussi habitué tout le monde à propose du hockey champagne lors de chacune de vos sorties ?
« Si et c’est d’ailleurs quelque chose qui m’avait beaucoup déçu lors de la dernière Coupe du monde. Les gens critiquaient notre jeu alors que nous passions les tours. Et ces personnes ne regardaient pas nos matchs. Ils attendaient que nous soyons en finale. Et ce sont des choses qui me choquent personnellement. Mais nous avons créé cela. Mais, en même temps, je trouve qu’à un moment donné, il faut garder les pieds sur terre. Et le public et les joueurs. Il y a des matches que nous pouvons gagner avec la manière et d’autres parfois pas. Et il faut juste l’accepter. »
Pour en revenir à cet Euro, cette poule n’est peut-être pas aussi simple qu’on pourrait le croire.
« Nous avons le pire programme. Nous affrontons l’Angleterre et l’Espagne en seulement 24 heures puis nous retrouverons l’Autriche, que nous ne connaissons pas bien. Les Anglais sont le pire adversaire que nous pouvions avoir pour débuter le tournoi. Il y a une nouvelle dynamique avec beaucoup de jeunes. Ils ont bien performé en Pro League. Ils vont commencer à 100 à l’heure alors, de notre côté, nous allons devoir monter en puissance. Après, ce ne sera pas simple face à l’Espagne. C’est aussi une très bonne équipe. On les a battu facilement mais seulement en se montrant plus efficaces dans le cercle car au niveau du jeu, c’était très équilibré. Et, enfin, on jouera l’Autriche en jouant avant le duel entre l’Angleterre et l’Espagne. Ce sera peut-être un avantage. Mais peut-être pas. »
Ce match face à l’Angleterre sera particulier puisque vous battrez le record de sélection mondial. Ce sera dans un coin de votre tête ?
« Honnêtement, je ne m’en rends pas vraiment compte parce que je suis dedans. C’est la même chose que pour la médaille d’or olympique. On ne réalise pas sans prendre un peu de distance. C’est vrai que c’est un chiffre énorme. Je ne vais pas y penser durant le match car on doit bien renter dans le tournoi. Mais je reconnais que c’est un chiffre dingue. »
Quelle sera la clé du match ?
« Il faudra bien défendre. Ce qui est un peu notre défaut actuellement. C’est devenu un défi aujourd’hui alors que nous avions construit notre identité là-dessus dans le passé. Avant, nous perdions beaucoup et nous devions tenir le coup face aux grosses équipes. Et c’est devenu une force. Il fallait bétonner et avoir des tactiques pour encaisser le moins possible. Puis c’est devenu une force parce que nous avons commencé à mieux jouer. Nous marquions des buts et nous continuions à bien défendre. Maintenant, on veut tellement bien prester qu’on oublie parfois un peu notre job défensif comme en Pro League. Ce sera donc le défi de ce début de tournoi et si on le fait bien, on le fera jusqu’à la fin. »
Qui sera votre principal concurrent dans le groupe A ?
« L’Angleterre est plus forte que l’Espagne. Elle passera la phase de groupe. C’est une certitude. Nous aussi. Mais pour cela, il ne faudra pas non plus dramatiser si on perd ce premier match. Il faudra afficher une attitude irréprochable. Et surtout que cela soit bon de suite sinon cela risque de créer des discussions et semer le doute. »
Les Jeux bien trop présents dans les discussions
Les Jeux de Paris sont déjà trop présents dans les discussions ?
« Globalement, on parle trop de Paris 2024. Tout le monde. Le staff, les joueurs, les médias. Nous ne sommes pas encore qualifiés. On a un tournoi à jouer et c’est 5 matchs. Si on remporte l’or, ici, en Allemagne, c’est le bonus. Comme nous avons eu lors de l’Euro, à Anvers, en 2019. Mais à ce moment-là, nous ne parlions pas de la qualification olympique pour Tokyo. Et nous voulions juste remporter le tournoi. Il faut donc faire un peu attention. Il faut évidemment aller à Paris mais nous avons d’abord un tournoi à gagner. Il ne faut pas brûler les étapes… »
La défaite est interdite face aux Anglais ?
« Lors de ce premier match, l’essentiel sera l’attitude. Si elle est bonne, si nous sommes positif entre nous, si on fait un bon match et on défend bien, c’est l’essentiel. Imaginons, nous perdons 3-2 à la dernière minute ou on partage en faisant un bon match. C’est très bien et on peut très bien gagner le tournoi de cette manière. Mais si l’ambiance ets mauvaise, ce ne sera pas le même sentiment et ce partage n’aura pas la même valeur. C’est à cela qu’il faut bien faire attention. D’abord l’attitude, puis le résultat. Et après contre l’Espagne, il faudra d’office aller chercher un résultat. »
Entretien : Laurent Toussaint (à Mönchengladbach).
Photo : Virginie Lefour (Belga).