Shane McLeod : « Nous ne ferons jamais taire complètement les critiques »

C’est toujours un réel plaisir de discuter avec le coach néo-zélandais. Shane McLeod fascine souvent ses interlocuteurs par la clarté et la pertinence de son discours. Le mentor des Red Lions n’esquive également jamais la moindre question. Sa force tranquille impressionne. Tout comme la justesse et la précision de ses réponses…

Shane McLeod, cette année 2018 sera à nouveau très importante pour les Red Lions…
« C’est exact. La Coupe du monde constitue l’un de nos plus grands objectifs et nous devrons donc répondre présent à la fin de l’année. Cela signifie donc que tout ce qui est mis en place au cours de ces prochains mois doit nous servir à atteindre nos objectifs. A commencer par le Champions Trophy qui devra nous servir de tremplin vers ce rendez-vous. »

Une place sur le podium en Inde constitue-t-elle un minimum ?
« Le résultat final du tournoi dépendra de nombreux facteurs. Nous devrons proposer notre meilleur hockey aux moments clés de la compétition en amenant les joueurs au sommet de leur forme. Il faudra éviter les blessures et évoluer en totale confiance. Pour cela, il sera capital que notre préparation soit bien planifiée et que les joueurs, tout comme la communauté du hockey belge dans son ensemble, soient totalement investis dans notre projet. Les clubs ont déjà démontré leur soutien total pour atteindre nos objectifs. Et c’est réellement essentiel pour aider les Red Lions à préparer parfaitement cette Coupe du monde. Si nous sommes en mesure d’élever cette équipe collectivement, nous aurons alors toutes nos chances de terminer sur le podium à Bhubaneswar. »

Marc Coudron nous confiait récemment, dans un long entretien accordé au journal « Le Soir » : « Avant 2024, nous serons au moins une fois champions européens, mondiaux et olympiques avec les Red Lions. » Le président de l’ARBH se montre-t-il trop ambitieux ?
« C’est formidable de placer autant de confiance en cette équipe. Et si tout s’aligne parfaitement, cette prédiction pourrait même se réaliser. Cependant tout le monde est conscient qu’en sport, chaque petite chose peut avoir un impact important. Le rebond d’une balle peut ainsi changer la couleur de la médaille pour laquelle vous vous battez. Ce que nous pouvons juste dire avec certitude aujourd’hui, c’est que nous sommes l’une des rares équipes capables d’accomplir cet exploit. »

Qu’est-ce qui est dès lors plus réaliste ? Quels sont vos prochains objectifs avec les Red Lions ?
« Ils sont assez simples. Mon travail consiste à amener les joueurs à leur meilleur niveau aux moments clés. Et pour y parvenir, je dois m’assurer que nous utilisons tous les moyens mis à notre disposition pour les aider à se développer, mais aussi à s’améliorer individuellement et collectivement. L’objectif est de proposer le meilleur niveau de jeu jamais atteint lors de cette Coupe du monde. Si nous y parvenons, je mets au défi n’importe lequel de nos adversaires de réussir à nous battre. »

Ce qui manque toujours à l’équipe pour faire taire définitivement les critiques, c’est une médaille d’or dans un grand tournoi ?
« Nous ne ferons jamais taire complètement les critiques. Et cela n’a vraiment pas d’importance. Notre rôle est de performer à notre plus haut niveau. Celui des observateurs est de donner un retour sur ce que le public attend. Si nous gagnons la Coupe du monde, cela ne fera pas taire les critiques. Ils exigeront ensuite l’or aux Jeux olympiques. Nous avons besoin de ces attentes importantes pour continuer à être challengés. Mais il est tout aussi essentiel de respecter les périodes de développement nécessaires pour atteindre ces objectifs. Le Champions Trophy est un très bon exemple pour illustrer cette situation. Nous remporterons peut-être le tournoi à Breda mais ce qui est surtout essentiel, c’est de pouvoir disposer de la meilleure équipe lors de la prochaine Coupe du monde grâce aux progrès réalisés lors de la compétition du mois de juin. »

Lors de tous les derniers grands rendez-vous internationaux, la Belgique a à chaque fois échoué en finale ou quand la pression semblait trop importante. J’imagine que vous avez une explication à ce phénomène ?
« Effectivement. C’est simplement représentatif de notre niveau actuel. Lorsque vous disputez une finale, vous appartenez aux deux meilleures équipes du tournoi. Ensuite, c’est la meilleure équipe du jour qui s’impose. Nous rivalisons de mieux en mieux lors de ces matchs et nous en disputons de plus en plus. Et donc pour rejoindre ce que Marc Coudron a déclaré, cette grande victoire est simplement la prochaine étape à franchir. Mais cela met aussi en évidence notre difficulté à affronter une nation qui évolue à domicile ou assimilé. C’était le cas lors de 3 des 4 dernières finales disputées. »

Au quotidien, envisagez-vous d’abord de constituer une équipe compétitive pour remporter l’or aux Jeux de Tokyo ou vous concentrez-vous encore en priorité sur les prochaines échéances ?
« Les JO trottent déjà naturellement dans un coin de la tête. Et nous mettons évidemment tout en œuvre pour nous assurer que nous serons bien prêts pour le plus grand rendez-vous sportif au monde. Cependant, nous avons mis les Jeux de côté en cette année de Coupe du monde. Nous allons construire la meilleure équipe pour le mois de décembre et ensuite nous réévaluerons notre situation en vue des JO. »

Que faut-il encore améliorer au cours des prochains mois ?
« La gestion du temps. Le temps est l’élément clé pour franchir les prochaines étapes nécessaires. Nous avons besoin de rester ensemble en tant qu’équipe. Cela nous rapproche et nous offre surtout des moments lors desquels nous pouvons nous améliorer en tant que collectif. Justement, la concurrence n’a jamais été aussi grande dans le groupe… L’équipe s’améliore de jour en jour. Les jeunes effectuent des progrès au quotidien et les plus expérimentés affichent la motivation que vous attendriez normalement des joueurs qui entrent seulement dans le programme. Cela constitue surtout un problème de luxe quand il s’agit de coucher une sélection sur le papier. »

Lors des derniers matchs de préparation, vous avez testé un nouveau système tactique. C’est important d’élargir encore la palette de styles de jeu que vous pouvez offrir ?
« Oui. Notre jeu doit évidemment continuer à évoluer. Si nous sommes simplement aussi bons qu’à Rio, nous ne monterons pas sur le podium lors de la Coupe du monde. Nous devons avoir mûri de deux années supplémentaires pour voir une chance de réitérer ce type de performance. Ce type de rencontres est donc très important pour nous aider à franchir de nouveaux caps. Nous devons affronter des adversaires qui nous obligent à déployer notre meilleur jeu afin de voir s’il existe des failles dans notre système. Mais il n’existe que certaines nations qui peuvent nous permettre de réaliser ces tests comme l’Allemagne, les Pays-Bas ou l’Australie. A côté de cela, nous avons besoin de nous frotter à des équipes qui nous permettent simplement de nous concentrer sur le développement de notre jeu comme face au Japon, à la France ou à l’Irlande. »

Qu’est-ce que la Pro League qui verra le jour en janvier 2019 va changer dans le mode de fonctionnement et de préparation des Red Lions ?
« Ce sera un nouveau défi qui, s’il est bien abordé, permettra aux joueurs d’être complètement libérés durant certaines périodes afin qu’ils se consacrent à 100 % à leurs clubs. En contrepartie, nous disposerons de moments précis lors desquels les périodes avec l’équipe nationale seront plus intensives. Mais ce n’est qu’une fois que nous aurons débuté la compétition que nous verrons comment être le plus efficaces aussi bien pour les clubs que pour les Red Lions. »

Entretien : Laurent Toussaint, In le Soir, mercredi 9 mai 2018.

Photo : ARBH/World Sport Pics.

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