Le hockey belge grandit en sifflant

Le hockey « victime » de son succès ? La rengaine passe en boucle depuis quelques années. Et va crescendo dans la foulée de la campagne olympique des Red Lions notamment. A tous les niveaux, l’ARBH et ses ligues francophone (LFH) et néerlandophone (VHL) doivent se réinventer et renforcer leurs structures. Les chantiers – permanents –, sont ouverts…

Parmi ceux-ci, l’arbitrage n’en est pas un des moindres. On le sait, la compétition nationale est devenue l’une des plus réputées d’Europe, avec de nombreux joueurs de gros calibre international. Par ailleurs, le développement des clubs s’accompagne d’une augmentation de moyens qui va de pair avec une inévitable professionnalisation des structures qui demandent, elles aussi, un encadrement sans faille. Sur le plan sportif, les arbitres sont en quelque sorte les gardiens du temple, ceux qui se doivent d’évoluer au même niveau que nos internationaux… sans en avoir toujours eu les moyens financiers ni les possibilités techniques. « Car chaque match de hockey met en scène 24 acteurs : 22 joueurs et deux arbitres, dit Marc Coudron, le président de l’ARBH. Ce qui est très injuste à l’égard de ces derniers, c’est qu’on pardonnera toujours plus facilement un joueur qui loupe un stroke qu’un arbitre qui rate son intervention. Or, pas plus que les joueurs, ces arbitres ne sont des machines ! »

Et tout cela alors que le hockey se joue à très grande vitesse, et que certaines de ses règles – parfois biscornues, il est vrai – changent à peu près tous les ans, et parfois de façon fondamentale ! « Ce qui nous amène d’ailleurs souvent, en début de saison du moins, à inviter les joueurs à potasser leur règlement, car certaines nouveautés leur ont parfois échappé » , nous confie un arbitre. Ajoutons à cela que l’arbitrage vidéo n’est pas présent en Belgique, pour d’évidentes questions de moyens !

Mais, face à ce défi, les choses s’organisent. Depuis 5 ans, et le lancement du « plan Brada », « du nom de cette ancienne arbitre internationale néerlandaise qui a audité nos structures et ainsi jeté les bases d’un plan qui arrive à son terme cette année, mais qui en a déjà initié un nouveau, explique Daniel Jourde, le président de la Commission hockey. Dans les grandes lignes, cet audit a mis en lumière le manque d’arbitres, le peu de respect manifesté à leur égard, leur niveau trop bas par rapport aux évolutions du sport, et, enfin, le manque de moyens mis à leur disposition. »

Forte de ce constat, la Commission hockey a mobilisé une vingtaine de bénévoles, tandis que, avec le temps, l’ARBH a dédié deux personnes aux tâches administratives. « Emmenés par Eric Denis qui occupe de hautes fonctions à l’EHF (European Hockey Federation), nous avons entrepris un fastidieux travail de positionnement sur la scène internationale, reprend Daniel Jourde. Nous espérons bénéficier d’un effet Laurine et ainsi susciter de nouvelles vocations, mais à plusieurs niveaux du hockey international, nous plaçons des pions afin d’évoluer en offrant la possibilité à nos arbitres de s’exposer extra-muros et de nous en faire bénéficier par la suite. »

Chez nous, un module de formation par internet (e-Learning) a été développé afin que les personnes tentées par l’arbitrage (ou les joueurs !) puissent, avec la collaboration des clubs, se former de la sorte avant de passer le brevet d’arbitre. Une première étape complétée par la mise en place d’une cellule « coaching et développement » emmenée par Pierre-Philippe Van Besien, par ailleurs « heureux d’avoir amené Laurine en finale des JO, comme les Red Lions, mais avec nettement moins de moyens ! , dit-il, un brin revanchard. Cela dit, il est évident que nous profitons des succès de nos élites olympiques, ne fût-ce qu’au travers des retransmissions télévisées (en DH belge aussi) qui nous aident à vulgariser certaines règles. Mais, pour en revenir au coaching, nous nous étions effectivement rendu compte que nos hommes devenaient un peu courts, par rapport à l’évolution de la DH en particulier. C’est pour ça qu’en plus de l’effort de recrutement, nous cherchons ainsi à améliorer la qualité de nos arbitres. »

Une mise en place complétée par l’accompagnement de très jeunes arbitres (parfois dès leurs 14 ans, lire par ailleurs) susceptibles d’arriver très vite au niveau de la DH ou de la D1. « Nous leur proposons de les accompagner dans ce difficile apprentissage, poursuit Pierre-Philippe Van Besien. Bien sûr, c’est quelque chose qui doit être accepté de tous. Je me suis récemment frotté à un coach de DH qui estimait que nous avions désigné un duo d’arbitres trop jeunes. Ceux-ci ont pourtant parfaitement rempli leur tâche, et puis ce n’est qu’en les jetant dans le bain qu’on leur permettra de progresser ! »

Voilà pour les pros, ou assimilés. Mais le hockey reste avant tout un sport amateur. A commencer par ces centaines de papas, mamans, grands frères ou cousins qui se retrouvent un jour sur un terrain, sifflet en bouche, pour diriger le jeu ! Une coutume « bon enfant » à l’origine, encadrée désormais par l’« e-Learning » notamment, mais qui reste avant tout basée sur la bonne volonté de tous.

Et qui, succès aidant, doit également s’accommoder d’une participation de plus en plus « active » des parents et supporters qui entourent les terrains. Sans connaître pour la plupart les subtilités du règlement, et sans non plus toujours faire preuve du plus élémentaire savoir-vivre…

« C’est clair que l’époque où le hockey n’était pratiqué que par des familles qui relayaient les valeurs de ce sport est révolue, conclut Pierre-Philippe Van Besien. Les terrains sont désormais davantage entourés de personnes qui n’y connaissent rien, et qui le montrent, malheureusement. Mais ça fait partie du jeu ! Et il faut préserver cette proximité avec le public. Un défi face auquel nos arbitres ont aussi un rôle à jouer, même si ce n’est bien sûr par leur tâche première… »

Thierry Wilmotte, In Le Soir, samedi 8 octobre 2016.

Photo : Marc Lequint.

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