Les Rats contre des Escargots, vous parlez d’une affiche ! La même depuis 4 ans en plus ! Et pour achever le tableau en poursuivant sur cette métaphore certes un brin éculée, on rappellera que ce sont les gastéropodes qui ont bouffé les rongeurs lors des deux dernières représentations ! Ceux-ci régnaient pourtant en maîtres sur la discipline depuis une demi-douzaine d’années, après s’être emparés du brevet d’invincibilité partagé jusque-là par quelques clubs à peine, majoritairement bruxellois (White Star, Léo, Orée ou Baudouin). Oui, vous avez bien lu : 10 ans déjà que la saison de hockey en salle, qui vivra sa finale dimanche dans l’insolite Parc à Mitrailles de Court-Saint-Etienne, ne concerne chez les représentants de l’élite (division honneur) que le Racing ou Namur, tandis que chez les femmes, la diversité est à peine plus prononcée – la finale opposera le White Star au Pingouin.
Le signe du désintérêt manifesté par les autres clubs face à cette saison en salle, longtemps considérée comme un mal nécessaire pour meubler l’hiver ? Au-delà des chiffres de fréquentation, en hausse de 7 % sur la moyenne des différentes catégories d’âge, des discours de plus en plus enthousiastes tordent le cou à cette idée reçue. Un vent nouveau souffle sur la salle. Depuis 2012 environ, année de la relance des équipes nationales… absentes du paysage depuis 30 ans !
« Il est clair que la salle est devenue comme un label de qualité pour notre club, et elle y insuffle en tout cas un bel enthousiasme, sourit Dominique Jamar, la présidente de Hockey Namur, considéré dans le milieu comme un club (de D1) qui ne pourra jamais, dans l’état actuel des choses, rencontrer le même succès à l’extérieur. La salle est en tout cas devenue une priorité chez nous, et un véritable axe de développement de nos jeunes, tant on sait ce qu’elle peut apporter en matière de technique, de rapidité, d’explosivité et de physique. »
Priorité absolue aux Red Lions
Pourtant, de l’aveu même du président de l’ARBH (Association Royale Belge de Hockey), « le hockey en salle restera toujours le petit frère du hockey sur gazon – un peu à l’image du foot et du futsal –, assène Marc Coudron. A moins que le hockey en salle devienne un jour discipline olympique, ce qui m’étonnerait vu qu’il est très peu pratiqué dans plusieurs parties du monde, les subsides dont nous bénéficions (Adeps, Bloso, Loterie Nationale, etc.) continueront à aller intégralement au hockey sur gazon. »
Un sujet sensible, sans aucun doute. Car, si les équipes nationales font l’admiration de tous, et restent bien sûr considérées comme les plus belles vitrines de ce sport, la (très) grosse part laissée aux Lions et aux Panthères ne laisse personne insensible… « Nous fonctionnons en autarcie, grâce aux cotisations qui nous sont versées ainsi qu’aux rentrées que nous faisons à l’occasion du seul week-end de finales, confie Patrick Van Den Berghe, le président du Comité hockey en salle (BIH). Les sponsors sont encore très timides en raison du peu de visibilité qui leur est proposée. Et puis surtout, notre championnat trouve difficilement place dans un calendrier déjà surchargé, et à une période où l’on doit jongler entre examens scolaires, Noël et vacances de Carnaval ! » Un des piliers de la salle se fait plus explicite : « Si la saison salle est si courte, et si certains clubs s’en détournent si vite, c’est parce qu’ils préparent la deuxième partie du championnat outdoor dès la mi-janvier ou presque, puisqu’on doit reprendre dès la mi-février afin que les playoffs puissent se dérouler début mai afin d’empiéter le moins possible sur le calendrier des Red Lions. L’équipe nationale est importante, c’est une évidence. Mais, outre le fait que ceux qui la composent ne jouent pas en salle (NDLR : on le leur «déconseille» vivement), je pense qu’on pourrait arriver à une plus belle harmonie entre ce qui concerne des centaines de joueurs, et la vingtaine de Red Lions… »
Le modèle allemand
Tandis que certains soufflent que cette influence positive que peut avoir la salle sur le jeu en plein air – comme les Allemands en font la démonstration – ne se produira jamais « car l’encadrement de nos équipes nationales est d’influence hollandaise ou australienne, qui prône le jeu physique par rapport à la tactique », Patrick Van Den Berghe préfère étouffer le débat avant même qu’il n’émerge : « C’est vrai que le futsal est né d’une scission avec le foot, dit-il. Mais nous n’en sommes pas là ; nous n’avons pas encore la masse de joueurs voulue pour l’initier du reste. Et puis s’il est vrai qu’à l’avenir se posera sans doute de façon de plus en plus aiguë la cohabitation entre l’élite du hockey incarnée par les équipes nationales, et le hockey-loisir au sein duquel la salle jouera un rôle de plus en plus grand, les deux peuvent coexister, moyennant sans doute certains compromis. Une autonomie plus grande de la salle me semble de toute façon prématurée. »
Alors, pour tenter de maîtriser ce calendrier surchargé, et même si certains rêvent peut-être d’une saison encore plus longue ou plus étalée, toujours dans le cadre de ce pari de la dualité entre outdoor et indoor, Olivier Nonnon lance une piste : « Pourquoi ne pas nous inspirer de nos voisins français ou espagnols notamment ?, interroge le coach du Racing, riche notamment de 10 titres de champion de France et de 5 médailles (argent et bronze) en Coupe d’Europe. Eux concentrent tout sur deux ou trois week-ends intensifs, suivis des playoffs et finales également réunis en une seule occasion. »
Trouver des salles, un casse-tête
Une solution qui éviterait sans doute le genre de démission collective comparable à celle infligée par Louvain à ses adversaires le week-end dernier. Un format qui permettrait peut-être aussi de rationaliser la chasse aux salles qui s’apparente à un fameux casse-tête… « C’est la fédé qui gère ça, alors qu’en outdoor, chaque club gère ses terrains, reprend Patrick Van Den Berghe. Mais, quand vous connaissez déjà la problématique des terrains en général, et à Bruxelles en particulier, vous imaginez ce qu’il en est des salles ! Pas facile d’en trouver susceptibles de nous accueillir deux ou trois mois par an seulement, alors que tous les autres sports sont là pour toute l’année. Et si l’on en trouve pour le week-end, cela se complique pendant la semaine, et rend dès lors la tenue d’entraînements très aléatoire. »
Il n’empêche, les joueurs de salle se multiplient donc (aux chiffres des équipes d’âge, il convient d’ajouter une trentaine d’équipes gents, ladies et mineures). Certains commencent même à se profiler davantage pour une discipline plutôt que l’autre… « Il est clair qu’un petit râblé aura plus de chances de s’imposer en salle que sur gazon ; et l’inverse est tout aussi vrai, avec les grands gabarits qui correspondront davantage au jeu athlétique que l’on développe à l’extérieur », dit Olivier Nonnon.
Certains voient là une belle occasion de se distinguer à haut niveau, voire de porter ce fameux maillot national réapparu dans les salles depuis quelques années. « Le phénomène est lié au succès qu’a rencontré notre sport depuis une dizaine d’années, conclut Marc Coudron. Tout le monde sait combien il est devenu difficile de décrocher une sélection en National. Certains joueurs d’un excellent niveau n’y ont pas ou pas encore trouvé leur place. Et se donnent alors le temps de se consacrer à la salle et d’y briller. Cela fait aussi remonter le niveau général, c’est indéniable. »
Et ouvre sans nul doute de nouveaux horizons.
Thierry Wilmotte, In Le Soir, samedi 30 janvier 2015.
Photo : Philippe Demaret – Okey.be